« On ne peut améliorer que ce que l’on mesure. » Dans la lutte contre le réchauffement climatique, cette maxime prend tout son sens. La comptabilité carbone s’impose aujourd’hui comme un outil clé pour identifier, quantifier et piloter les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux activités humaines. Entreprises, collectivités, États… tous les acteurs ont un rôle à jouer, et cela commence par faire les comptes.
De quoi parle-t-on ?
La comptabilité carbone consiste à mesurer l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à une activité, un produit, un territoire ou une organisation. On les exprime en kilogrammes de CO2 équivalent (kgCO2e), une unité qui permet de regrouper l’impact de différents gaz (CO2, méthane, protoxyde d’azote, etc.) sous une même mesure.
Cette démarche suit des méthodes rigoureuses et reconnues, comparables aux standards de la comptabilité financière. Elle vise à fournir une photographie aussi fiable que possible des émissions réelles. Pour être pertinente, elle doit prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur : de l’extraction des matières premières à la fin de vie d’un produit.
Pourquoi mesurer ses émissions ?
La comptabilité carbone ne se résume pas à un exercice technique : c’est un outil stratégique pour comprendre, piloter et transformer les activités humaines face à l’urgence climatique. Elle permet à la fois de :
- Hiérarchiser les postes d’émissions pour cibler les efforts de réduction,
- Suivre les évolutions dans le temps et mesurer les progrès réalisés,
- Établir un diagnostic précis, base d’un plan d’action crédible et chiffré,
- Adapter les chaînes de valeur et ajuster les modèles d’affaires,
- Mobiliser les parties prenantes autour d’objectifs partagés.
Elle est aussi une obligation légale dans plusieurs cas :
- En France, un bilan GES est requis tous les 4 ans pour les entreprises de plus de 500 salariés (250 en outre-mer), et tous les 3 ans pour les collectivités de plus de 50 000 habitants ou les établissements publics de plus de 250 agents.
- Depuis 2023, ce bilan doit intégrer le scope 3, soit les émissions indirectes significatives issues de la chaîne de valeur (c’est-à-dire les émissions non contrôlées directement par l’entreprise). Par exemple, les émissions de GES liées aux déplacements des salariés font partie du scope 3.
- La directive européenne CSRD, entrée en vigueur en 2023, impose aux grandes entreprises (plus de 250 salariés, ou >50 M€ de chiffre d’affaires, ou >25 M€ de bilan) de publier des données vérifiées sur leur durabilité, dont leur empreinte carbone. Cette obligation s’appliquera progressivement à partir de 2025, avec une première publication en 2026 pour les entreprises nouvellement concernées. Une révision des seuils à 1 000 salariés est actuellement à l’étude au niveau européen.
Quels outils et quelles méthodes ?
Plusieurs référentiels structurent la comptabilité carbone. Les plus utilisés aujourd’hui sont :
- Le GHG Protocol (1998) : standard international, il classe les émissions selon trois scopes :
- Scope 1 : émissions directes,
- Scope 2 : émissions indirectes liées à l’énergie,
- Scope 3 : autres émissions indirectes tout au long de la chaîne de valeur.
- Le Bilan GES (BEGES) : cadre légal français, aligné avec le GHG Protocol.
- Le Bilan Carbone® : méthode historique développée par l’ADEME et aujourd’hui pilotée par l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC).
Tous reposent sur des principes communs : exactitude, cohérence, exhaustivité, transparence. Ils permettent une lecture comparable des émissions, indispensable pour orienter l’action.Face aux enjeux climatiques, mesurer ses émissions devient un levier de transformation économique, réglementaire et sociétale.