Planter des arbres : une solution, mais pas la solution magique

Une idée courante

On entend souvent parler de planter des arbres comme solution pour compenser nos émissions de CO2. Bien que les arbres captent en effet une partie de nos émissions, imaginer que ce serait suffisant pour capter les émissions liées à notre mode vie est très éloigné de la réalité.

Certaines industries, notamment le secteur aérien, ont popularisé l’idée qu’on pouvait compenser ses émissions de CO2 en plantant des arbres. C’est une forme de communication biaisée, qui détourne l’attention des véritables actions à mener pour réduire les émissions. On vous explique pourquoi.

Un arbre capte du CO2, mais…

Un arbre absorbe du dioxyde de carbone (CO2) pendant sa croissance. Mais lorsqu’il meurt et se décompose, tout le CO2 est relâché dans l’atmosphère. De même, si une forêt est détruite, tout le carbone accumulé est relâché. Cela se produit en quelques décennies.

En théorie, une forêt mature (qui ne grandirait plus) n’absorbe pas davantage de CO2 qu’elle n’en émet. Les organismes qui décomposent les arbres morts relâchent autant de CO2 que les arbres en croissance en absorbent par photosynthèse. Cependant, même les forêts anciennes de notre planète continuent d’augmenter en masse. Des études montrent qu’elles continuent à stocker du carbone. Les causes sont encore mal comprises.

Où planter des arbres ?

L’important n’est pas juste de semer des graines, mais de savoir  planter des arbres.

  • Planter dans une forêt déjà mature n’a que peu d’impact.
  • Planter sur des terres agricoles signifie qu’il faut réduire la surface dédiée à l’agriculture.

Source: FAO 2019 / Hannah Ritchie, Max Roser 

Si l’on reboisait toutes les terres agricoles du monde, cela stockerait l’équivalent de 50 ans d’émissions actuelles de CO2. Ce n’est évidemment pas réaliste, nous n’aurions plus de nourriture, mais il est possible de récupérer une partie de ces terres en réduisant la production de viande. Élever des animaux consomme environ 5 à 50 fois plus de surface que produire des protéines végétales. Un calcul un peu plus réaliste montre que si on plantait des arbres partout où c’est possible, on compenserait environ 20 ans d’émissions.

D’un autre côté, certaines zones comme les prairies tempérées stockent aussi bien, voire mieux, le carbone qu’une forêt. Planter des arbres n’est pas désirable dans tous les cas.

Une solution lente

Source : GIEC TAR WG3 Chap.4 Table 4.1 (2001)

Créer une forêt prend du temps : 100 à 200 ans pour atteindre un stockage maximal du carbone. Au début, une forêt en croissance peut même être une source de CO2. Elle ne commence vraiment à absorber du carbone qu’après plusieurs décennies.

Par un petit calcul très approximatif, on se rend compte que si l’on reboisait 25 % des terres agricoles, cela compenserait environ 6 % des émissions actuelles par an pendant 200 ans.. mais commencerait seulement dans 30 ans. À titre d’exemple, pour que le Royaume-Uni compense totalement ses émissions, il lui faudrait planter une forêt six fois plus grande que son propre territoire.

Préserver les forêts existantes est encore plus crucial

Les forêts anciennes absorbent du carbone et jouent un rôle écologique majeur. Les détruire pour replanter ailleurs est une mauvaise idée : un arbre met des décennies à accumuler du CO2, tandis qu’une déforestation libère tout le carbone stocké.

Si on transforme une terre agricole en forêt, il faut éviter que cela pousse à déforester ailleurs pour compenser la perte de surface agricole. Autrement, on aurait un bilan carbone positif au lieu d’un gain.

Réduire les émissions avant tout

Les arbres aident, mais la priorité reste de réduire nos émissions. Pour cela, plusieurs solutions sont connues :

  • Mieux isoler les logements, utiliser des moyens chauffage moins émetteurs (comme la pompe à chaleur), éviter les nouvelles constructions
  • Éliminer le pétrole et le charbon, limiter fortement les transports
  • Réduire la consommation de viande, favoriser l’alimentation locale
  • Moins consommer de biens et services
  • Développer une électricité sans carbone

Source : myco2 – empreinte carbone moyenne-2021

La technologie ne nous sauvera pas (seule)

Si certaines avancées technologiques peuvent aider, il n’existe pas de solution miracle. Chaque technologie prend du temps à mettre au point et à déployer. Par exemple, le nucléaire, après 70 ans de développement, ne fournit que 9 % de l’électricité mondiale (soit environ 2 % de l’énergie totale consommée). Or, nous avons 30 ans pour transformer notre mode de vie.

Conclusion

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que, pour rester sous 1,5 ou 2°C de réchauffement, il faudrait réduire nos émissions à 2 tCO2 par personne et par an d’ici 2050 (contre environ 10 t en Europe et 20 t aux États-Unis). Le reboisement fait partie des solutions, mais seulement si les émissions sont drastiquement réduites en parallèle.

En résumé : planter des arbres est utile, mais ce n’est pas une excuse pour ne rien changer à nos modes de vie !

Stories

Autres articles